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Anthony Croizet. Repose-Poignet



Étrange initiative à Saint-Merry. Une installation interactive minimale au pied de deux tableaux de Chassériau qui invite à s’asseoir face à un inconnu. Subtilement déstabilisant.

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Une table portant un curieux petit objet, appelé Repose- Poignet, deux chaises sous le regard de sainte Marie l’Égyptienne, une peinture de Théodore Chassériau (1843), un des chefs d’œuvre de Saint-Merry, intriguent.

Ralentir, silence !

L’œuvre insolite du plasticien Anthony Croizet n’est pas une injonction, mais simplement une invitation à s’asseoir avec un(e) inconnu(e). Repose-Poignet est une installation relevant de l’esthétique relationnelle [1] ; l’artiste est absent, mais présente ses intentions au travers de simples règles « du jeu » apposées à l’entrée de la Chapelle.

Faussement simple, discrètement dérangeante, ouverte à tous les questionnements, la proposition d’Anthony Croizet est à l’interface entre l’art relationnel, le conceptuel et le minimalisme. Elle est aussi dans l’esprit du temps : le care, la slow city. Sa localisation dans une église est tout sauf neutre.

Les églises ne sont pas seulement des équipements publics ; elles fonctionnent comme des espaces publics, une rue ou une place : de nombreuses personnes y ont des activités, s’y croisent, y stationnent. On y vient ou passe pour de multiples raisons : prier, célébrer, se livrer aux diverses activités d’une communauté, s’arrêter un moment, écouter un concert et de plus en plus pratiquer le tourisme (visiter et voir les chefs d’œuvre).

Le lieu se distingue des autres espaces publics en générant des codes de respect encore assez largement partagés : vêtements, niveaux de voix, attitudes. À cet environnement, à qui beaucoup associent le qualificatif de sacré, demeure attachée une représentation ancienne : celle de la communion et de l’échange entre les personnes, alors que c’est la distance les uns envers les autres et le plus grand anonymat qui prévalent aujourd’hui.

C’est cette dimension sociale spécifique qu’Anthony Croizet a voulu faire resurgir, son étrange repose-poignet étant lié à la nécessité de ralentir et de se poser. Artiste très calme questionnant son temps, ses rythmes, ses urgences, il nourrit, en effet, son œuvre de l’analyse des mouvements du corps [2].

À Saint-Merry, il cherche à perturber le ballet des visiteurs qui, munis de guides et des codes du savoir-vivre, semblent indifférents les uns aux autres et perdent le goût de l’intériorité. Par un geste artistique totalement décalé pour ce lieu — un geste et non un objet—, proposer de sentir le pouls d’un autre, l’artiste souhaite faire prendre conscience de ces carences. Avec ce dispositif inusité, il agit comme un chimiste des mœurs glissant un cristal susceptible de provoquer une réaction, mais une fois l’installation mise en place, l’artiste se dérobe et ne l’observe pas. Il n’est pas dans le scientifique !

« J’ai imaginé au sein de l’église Saint-Merry une installation interactive et sensorielle, dont la fonction première serait le ralentissement.
Au cœur de cette installation, il y a un objet en terre cuite, légèrement concave sur le dessus, pour épouser la forme d’un poignet. Je l’ai appelé Repose-Poignet pour l’examen du pouls.
L’installation se présente comme suit : une petite table en bois sur laquelle serait posé et fixé le repose-poignet ; deux chaises permettant à deux personnes de s’asseoir, l’une prenant le pouls de l’autre (une personne seule peut également s’asseoir et se mettre à l’écoute de ses pulsations).
Ne pouvant fonctionner que dans l’écoute et le ralentissement, l’objectif avoué de cette installation, aussi sobre et dépouillée que possible, est de répondre à une carence d’intériorisation, et de servir à la quête de l’autre / quête de soi.
L’idée est de replacer ce geste, historiquement médical, dans une sphère poétique et spirituelle, s’éloignant pour un temps de l’hyper-technologie, et de la frénésie du quotidien. Par l’intermédiaire d’un contact physique minimal, il est permis de se mettre à l’écoute de quelque chose de différent -et de vital, de créer un moment que l’on pourrait qualifier d’idyllique, dans le sens où l’on peut entendre ce mot, comme un espace-temps défini par une absence de conflits. »

On ne sait pas comment des inconnus se plieront à ces règles, s’ils se donneront au préalable une poignée de main, quels mots ils échangeront avant de se taire, comment ils se regarderont, de quels contenus leur silence sera plein, comment leur conception de l’art sera modifiée. On ne sait pas comment le désir de l’artiste de transformer du sensoriel en spirituel se concrétisera. C’est tout l’inconnu de cette forme d’art, appelé relationnel [3] .

Une église n’est pas un lieu neutre pour ce type d’expérience mais est propice aux questionnements.

Le lieu choisi par l’artiste est encore moins neutre : les deux grands tableaux de Théodore Chassériau racontent la légende de sainte Marie l’Égyptienne, une prostituée notoire, selon la Légende dorée de Jacques de Voragine, qui a été empêchée d’entrer dans une église par une force mystérieuse, mais qui s’est convertie et a noué une relation spécifique (spirituelle) avec l’Hermite Zozime.

Sainte Marie l’Égyptienne, Théodore Chassériau (1843)

De la table à la fresque, la question des rapports entre les corps est mise en écho, ce qui est au cœur de la démarche d’Anthony Croizet.

Jean Deuzèmes

Site de l’artiste : http://anthonycroizet.ultra-book.com/book

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Exposition : 7 juin- 18 juillet 2017
L’église est ouverte en semaine de 13h à 18h, le samedi de 13h à 18h30 et le dimanche, en dehors des célébrations du matin, avant et après le concert gratuit de 16h.
Toutefois du fait d’un tournage de film, l’expo ne sera pas visible les 29 et 30 juin.


[1« L’art est un état de rencontre » affirme Nicolas Bourriaud. Esthétique relationnelle, 1998

[2Comme ses séries de photos de grands artistes, dont on ne voit que les bras croisés (2014-)

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