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Charles Ray. Subvertir la symbolique religieuse ?



Au centre de la Collection Pinault en 2022, Charles Ray, qui se dit lui-même « catholique déchu », utilise les figures du Christ pour illustrer ses questionnements sur la sculpture. Une beauté intrigante.

Charles Ray est devenu une référence majeure dans la sculpture d’aujourd’hui. Il produit peu et a pourtant conçu en 2021 quatre œuvres qui ont un trait commun : s’inscrire apparemment dans le champ de la symbolique religieuse. Mais s’il faut être méfiant de ce type de classement rapide, c’est à la même philosophie de l’art (Lire Voir et Dire) qu’il reste attaché.

Charles Ray, Doubting Thomas, 2021, fibre de verre peinte, détail

Ces quatre œuvres particulières, si différentes, bénéficient d’une splendide muséographie dans la Collection Pinault [1], à l’occasion de la rétrospective conjointe avec le Centre Pompidou, en 2022. Une fois de plus, l’artiste reprend les questionnements des maîtres baroques et classiques et joue de quatre matériaux pour ces pièces où le rendu du corps est centrale.

Il s’affirme comme athée et « catholique déchu », mais son œuvre qui donne des représentations du Christ faussement simples ou intrigantes ne peut cacher son intérêt pour le sacré. Comment le produire visuellement aujourd’hui ? Sa sculpture délivre-t-elle un quelconque message ?

Il met la beauté et le sacré au service de la sculpture et non l’inverse. Il privilégie la manière de faire sur l’intention. Ses réponses multiples se situant dans l’histoire de l’art sèment le trouble.

Une très grande salle blanche baignée de lumière, trois œuvres sculptées : un immense Christ en élévation, blanc ; un gisant étrange, en béton gris ; deux hommes nus, blancs, la rencontre de Thomas et du Christ. On peut parler de salle religieuse post pop [2].

Charles Ray, 2021, Salle de la Collection Pinault

La reconnaissance immédiate des thèmes cache la complexité de la conception et de la production de ces œuvres. L’ensemble plonge rapidement le visiteur dans un univers parfois froid et souvent énigmatique ; il le met face au parti pris de ce grand artiste : se saisir de références religieuses très connues dans l’art, chercher à en évacuer la dimension sacrée afin de ne garder que les corps appréhendés dans les traditions de la sculpture.

Charles Ray, artiste américain né en 1953, s’affirme comme sculpteur figuratif dans les années 90. Il produit lentement en utilisant tant les techniques artisanales que numériques les plus modernes et ses sujets vont du plus trivial au plus universel. Sa maîtrise, à la fois subtile et élégante, des matériaux les plus divers (béton, marbre, acier inoxydable, aluminium, papier, fibre de verre) surprend.

Ses œuvres apparemment accessibles, quoique déroutantes, portent toujours la même question : « Qu’est-ce que la sculpture ? ». (Lire article précédent de Voir et Dire) Il est plasticien et théoricien, et se refuse à être théologien et même croyant. Et pourtant le résultat ne laisse pas indifférent.

Study after Algardi

2021, papier fait main, 350cm

Study after Algardi, 2021, papier fait main, 350cm

Cet immense Christ, sans croix, s’élève avec la plus grande légèreté, grâce à la technique que l’artiste a mise récemment au point dans son atelier : du papier travaillé à la main [3], qui donne un léger aspect granuleux accrochant la lumière.

Comme Charles Ray est un homme de grande culture et un enseignant-chercheur de l’art, il part d’œuvres qui l’ont marqué et s’appuie souvent sur les modèles classiques ou issus de l’Antiquité, ici un des plus célèbres bronzes baroques (1650) d’Alessandro Algardi (1598-1654) Corpus Christi – Christo Vivo, qui plus qu’un objet de dévotion personnelle, est un chef-d’œuvre artistique, délicatement fondu.

Alessandro Algardi, Corpus Christi – Christo Vivo, bronze, 1650, 73cm & Charles Ray, Study afet Algardi, 2021, papier fait main, 350 cm

L’œuvre de papier est très fidèle à l’original, jusqu’à cette particularité de deux traces de clou dans les pieds et non d’une, mais s’en distingue par : l’échelle (350 cm et non 73), la couleur (blanche et non brune), et une certaine simplification corporelle. Comme dans ses autres œuvres, Charles Ray travaille des parties plus que d’autres, et ce qui constitue « l’armature », comme il l’appelle, donne le sens de l’œuvre. Ici le périzonium, ce tissu qui cache le sexe, est un morceau de bravoure artistique par sa légèreté et le souffle qui semble l’animer.

Charles Ray, Study after Algardi, 2021, papier fait main ; détail : le périzonium

Dans cet élément considérablement agrandi, Charles Ray ne fait pas autre chose qu’Algardi dont l’objectif était d’exprimer le dernier souffle du Christ, par la symbolique de la corde qui se délie, le tissu étant sur le point de s’envoler. Dans le texte de l’Évangile de Jean, on a une note de ce type : le rideau du Temple se déchire.

Charles Ray, Study after Algardi, 2021, papier fait main ; détail : le visage

On sait que les sculpteurs de Christ privilégient un point de vue formel et théologique. Ici, le spectateur lève les yeux, mouvement qui n’est pas neutre, vers un Christ de l’abandon, voire de l’extase si l’on examine les traits du visage, sans signe de souffrance et voyant déjà l’au-delà de la mort.

Or la question du passage est un thème récurrent chez Charles Ray : la transition d’un âge de la vie à un autre ou de la veille au sommeil ; ici le passage dure un instant, la dernière expiration. La vidéaste Sophie Calle était dans la même attitude, entendre les derniers mots de sa mère, quand elle avait filmé durant trois mois son agonie en 2006, pour produire une œuvre poignante sur ces derniers instants [4].

Charles Ray, Study after Algardi, 2021, détails

Study after Algardi embrasse tout l’espace, se détache du mur, est en apesanteur et soulève l’admiration devant cette prouesse technique. Cette sculpture invite aussi à un silence qui peut submerger le spectateur par sa taille et son éclat, dans une salle totalement blanche. Cette expérience visuelle et émotive, du « Comment est-ce possible ? » peut rappeler au spectateur la question de saint Marc, récurrente dans tout son Évangile, « Qui était cet homme ? » et dont il attribue la réponse au centurion témoin [5].
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Cependant ce n’est pas dans cette perspective que se situe l’artiste, qui, s’il a été éduqué, avec rudesse, dans un collège militaire catholique, aborde la question des sculptures du Christ dans une conférence donnée en 2016, (Catalogue de l’exposition p. 156-158), donc 5 ans avant la fabrication de Study after Algardi, en parlant de l’œuvre de son aîné :

« J’aime à penser que la possibilité m’est donnée de voir tous ceux qui ont contemplé cette petite et émouvante œuvre d’art, et qui, morts depuis longtemps, sont reflétés dans le corps d’un Christ auquel il reste encore à ressusciter. Mais mon propre reflet, celui d’un catholique déchu ou d’un athée, confère-t-il à cette sculpture une pertinence à mon époque ? Se retrouvera-t-elle de nouveau à l’avenir entre les mains de croyants ? Que peut faire cette petite sculpture ? […] Je ne crois pas en la résurrection.[…]

La contemplation de la vie et de la mort que suscite chez le spectateur le Christo Vivo de l’Algarde est en soi une forme de prière. La culture peut elle aussi être considérée comme une forme de prière, et cet objet culturel, en tant que sculpture transcende le symbole qu’il incarne et désigne un état de chose qui est un fait.  »

L’œuvre que cet athée a réalisée, sans commande, présente donc des aspects paradoxaux. Elle trouve son origine dans une réflexion d’abord sociétale américaine puis artistique. Selon lui, la croix et la Bible que l’on trouve partout aux États-Unis, notamment dans toutes les chambres d’hôtel, ont perdu leur pouvoir symbolique.
« C’est peut-être un nouveau symbole, un symbole politique s’inscrivant dans les guerres culturelles de l’Amérique. Quand la croix est reléguée dans l’imaginaire, il est peut-être plus facile de se défaire, si cela est possible, de sa foi chrétienne ou de ses sentiments à l’égard du christianisme et regarder la sculpture pour elle-même. La main du sculpteur a abandonné le recours abusif au Christ pour lui faire dire tout ce que nous voulons qu’il dise ; l’Algardi a modelé ces figures pour qu’elles expriment la chair et le souffle, la vie dans un corps agonisant. »

Study after Algardi est donc une œuvre qui reprend les mêmes questions qu’à l’époque baroque, mais en changeant formellement les réponses : changement d’échelle, de matériau, de couleur. L’artiste modifie l’orientation du regard et donne son interprétation de la mort du Christ : seul reste un corps. Si mutation il y a, ce n’est pas dans le sens où les artistes croyants ont traduit le sens de la mort sur la croix, mais dans la façon de faire de la sculpture. Même si Charles Ray se refuse à entrer dans l’expérience pascale, il ne dénie pas cependant aux spectateurs de le faire.

Charles Ray donne sa vision de la mort du Christ avec son langage de sculpteur. Mais un croyant, voyant cette œuvre, peut construire une tout autre réponse.

L’œuvre est actuellement la propriété de cet artiste professant son athéisme et va aller d’une institution à une autre, jusqu’à ce qu’elle trouve une place définitive, peut-être un musée, à côté d’autres où il sera possible de méditer (cf. Houston et Rothko).

Doubting Thomas

2021, fibre de verre peinte, 202 x 119 x 55 cm

Charles Ray, Doubting Thomas, 2021, fibre de verre peinte,

Les tableaux de la rencontre entre le Christ ressuscité et ses disciples ne manquent pas, car ce récit de référence dans la foi chrétienne est concret, celui du Caravage (1602) étant le plus célèbre. La sculpture est moins prolixe sur ce thème. Une œuvre comme Youth, (2009) de Ron Mueck (Lire Voir & Dire ) est, sans doute, une référence indirecte à cet épisode.

Andrea del Verrocchio, Le Christ et saint Thomas » ou « L’Incrédulité de saint Thomas », bronze, 1467-1483

Il existe cependant une œuvre explicite fondamentale : « Le Christ et saint Thomas » ou « L’Incrédulité de saint Thomas » (1467-1483) d’Andrea del Verrocchio (vers 1435-1488), dont Leonard de Vinci fut l’élève. Ce grand bronze de la Chiesa e Museo di Orsanmichele (Florence) est fidèle au texte de l’Évangile et traduit une conception profondément picturale de la sculpture, avec ses drapés, où « l’espace et la forme sont engendrés par la lumière et […] n’ont d’autre réalité que celle de l’ombre et de la lumière.  » (Louis Franck)

L’artiste déroute ici à nouveau le spectateur. Par son léger changement d’échelle des deux personnages (20%), par leur nudité et la charge érotique qu’ils portent, un Thomas morphologiquement à l’égal du Christ, une blancheur qui vise à faire disparaître tout ce qui ne relèverait pas de la sculpture. Alors qu’Andrea del Verrocchio sculptait sur le mode du clair obscur, Charles Ray par son lisse et son blanc nie ce fondement baroque. En outre, il enlève un élément essentiel à ce sujet connu : la plaie du Christ n’est pas sculptée. Alors quel est le vrai sujet ? Le seul sujet pour Charles Ray semble être la sculpture, et peu importe le modèle.

Ainsi, l’artiste fait reposer ses deux sujets sur le sol sans socle, comme les spectateurs. Il les situe dans la tradition des modèles de la Renaissance, donc avec la beauté de l’Antiquité, et la tête du Christ a bien des ressemblances (âge, barbe, yeux) avec celle du Verrochio. Mais, alors que l’enjeu de l’acte de voir est essentiel dans cette rencontre, le Christ ferme les yeux, à la différence de Thomas et du spectateur. Tout est lisse, et aucune partie n’est détaillée afin de ne pas distraire de l’importance du propos : la dynamique gestuelle de la sculpture qui est le vrai objet, le doute de Thomas semble une question secondaire.

L’œuvre de Charles Ray, n’est pas une œuvre religieuse, mais en utilise tous les ressorts pour exposer les fondements de sa démarche sur l’art, au-delà d’un esthétisme. Chez cet artiste, il faut toujours remonter l’histoire de la sculpture pour trouver la source de son inspiration. Ici, Il est symptomatique que la posture utilisée pour le Christ se trouve dans la grande figure de Rodin, l’Âge d’airain (1877), qui fit tant scandale pour la nudité du sujet, ce qui ne fait plus scandale aujourd’hui.

Rodin, l’Âge d’Airain, bronze, 1877, 180 cm de hauteur & Christ seul de Charles Ray, Doubting Thomas 2021, fibre de verre peinte, détail : le Christ ; 202 cm de hauteur

Ici, ce qu’il appelle « l’armature » et qui ne désigne pas la structure interne de l’objet, est une mise en tension visuelle par des gestes : le doigt tendu de Thomas et l’orientation de son regard, le bras levé du Christ qui, lui, s’offre au regard du spectateur. La statue n’est pas statique, mais dynamique.

La scène est une métaphore de l’essence de la sculpture et du rapport de l’observateur à celle-ci : le spectateur regarde Thomas, qui désigne le Christ, mais à la différence du Caravage, l’apôtre « touche » du vide, une véritable matière spatiale. Selon Charles Ray, la sculpture créée de l’espace, une « matière invisible ». Si le spectateur s’identifie à Thomas, il est alors invité par l’artiste à en prendre conscience.

L’incrédulité de saint Thomas, Le Caravage, 1603 & Doubting Thomas, 2021. Détails
Charles Ray, 2021, Salle de la Collection Pinault

Le second concept familier de Charles Ray, « l’insertion », est très bien illustré dans cette salle : Le Christ est à l’entrée, Thomas à la sortie, et dans l’axe se trouve une masse brune en béton, « Concrete Dwarf ». Les trois œuvres trouvent leur sens dans leur mise en relation, dans leur alignement.

L’artiste se défend de faire de Doubting Thomas une œuvre religieuse. Mais à éliminer le sens religieux par « la porte » celui-ci revient en fait très discrètement par « la fenêtre », si l’on se réfère au texte initial [6]. qui ne dit pas que Thomas touche le Christ, mais qu’il le reconnaît. Tout se joue dans un regard et les propos échangés sont aussi directs que lorsque l’on tend un doigt ou une main vers quelqu’un pour affirmer sa vérité, ce qu’est cette sculpture.

Charles Ray souhaite désacraliser le doute de Thomas et semble lui faire dire « la sculpture est la seule chose qui compte et je la désigne ». Une fois de plus, un croyant analysant ce geste, peut construire une tout autre réponse, dans le plus grand respect de la conviction de l’artiste.

Comme on sait par ailleurs que Charles Ray innove et doute en permanence sur les voies de sa sculpture, on pourrait dire que cette œuvre est éminemment symbolique de ce doute. Et ce n’est pas neutre qu’elle soit présentée à la fin de l’exposition…

Concrete Dwarf, (Nain en béton)

2021, béton, 94 x 160 x 109 cm

Charles Ray, Concrete Dwarf, (Nain en béton), 2021, béton, 94 x 160 x 109 cm

À l’origine de cette œuvre qui tranche fondamentalement avec les deux précédentes et que l’artiste a tenu à placer au centre de l’espace, se trouve une sculpture qu’il a découverte : El Angel Caido – L’ange déchu de Ricardo Bellver (1877), érigée dans le parc Ribero de Madrid, la seule statue représentant le diable, semble-t-il. Charles Ray part de ce symbolisme spirituel pour poursuivre sa réflexion sculpturale sur la marginalisation sociale, qu’il traite toujours sur le mode de la monumentalité : ici, le moment de la déchéance, du rejet par la société.

Charles Ray, Concrete Dwarf, (Nain en béton) 2021, béton, détails

Le nain endormi fait corps avec un socle de béton, l’une de ses mains dépasse même du bloc ; en gris non en blanc ; un très grand réalisme ; un socle massif dont la forme et la matière traduisant l’époque moderne font référence à la grande statuaire classique, sans être en pierre ou marbre ; un contraste avec le sujet, l’être de petite taille dont les vêtements expriment l’origine populaire et la marginalité. Dort-il ? Est-il blessé ? Ou plus encore, est-il mort dans un combat et laissé sur un bord de route .

C’est de l’abandon et de la solitude qu’il traite, et le positionnement dans cette salle est justifié, car la mort du Christ se déroule dans l’abandon des siens.

Le personnage et l’œuvre intriguent, le titre purement factuel ne donne pas d’indication. De la même manière que Charles Ray a abordé la sculpture des sarcophages, il propose, ici, une forme contemporaine de gisant, non sur le dos, mais sur le ventre, traité selon les codes classiques. L’ambiguïté est accentuée par le fait que la pose réfère à l’Hermaphrodite endormi de Polycles en marbre du Louvre jusque dans sa présentation sur un socle massif, la main droite et les doigts qui dépassent chez Charles Ray sont une allusion cultivée au fait que ceux de Polycles sont manquants. Il y a du deuil et de l’accablement dans ce gris et non de l’érotisme.

Polycles (?), Hermaphrodite endormi, vers 100-150 Av JC & Charles Ray, Concrete Dwarf, 2021, béton

On retrouve ici, non pas un Christ au tombeau, comme dans Holbein et sa reprise par Marlène Dumas, mais une personne contemporaine, un SdF dans l’abandon, un corps d’aujourd’hui qui évacue toute référence religieuse explicite tout en jouant sur les mécanismes de « l’insertion » sculpturale et qui laisse toute interprétation ouverte. Il s’agit d’une sculpture à la frontière du religieux.

Jeff

2021, marbre, 204 x 104 x 124, 1543kg

Charles Ray, Jeff, 2021, marbre, 204 x 104 x 124, 1543kg

C’est dans la continuité de cette œuvre que l’on peut admirer une splendide sculpture située, seule, dans une salle à part, où l’artiste reprend sa recherche de la représentation du Christ.

Prenant comme modèle un Sdf toxicomane rencontré dans la rue, Jeff, il subvertit le genre du portrait assis, généralement réservé aux représentions de la justice et des divinités, en sculptant du marbre, et à une échelle monumentale ( +30%). Mais ici il révèle les traits expressifs d’un anti-héros à l’aspect abattu et défait, esquissant cependant un sourire de dignité, fait ressentir les difficultés de la vie de son modèle et le poids de son existence, dont la masse de l’objet (1,5 T) est aussi le signe. Cette œuvre, de la même année que les trois autres, est une façon contemporaine d’aborder la figure du Christ, « aussi humain que divin, tel qu’il m’était décrit lorsque j’étais enfant, mais que j’étais incapable de me figurer  » (cartel) en revisitant un genre : le Christ aux outrages.

La force qui émane de cette œuvre est liée à sa solitude formelle, ici une pièce unique dans la salle, et psychologique. Cette mise en scène est un trait fort de la pensée de Charles Ray : en mettre moins pour en dire plus [7]. La distance entre un nombre très limité d’œuvres dans des grands espaces permet les échanges expressifs et surtout de sens entre les sculptures qui peuvent être très différentes, comme sous la coupole de la bourse de commerce (voir portefolio).

Pierre de Grauw, Christ aux outrages 1985, cuivre & Charles Ray, Jeff, marbre, 2021

Mais qui est cet artiste ?

Charles Ray, Return to the One, 2020, papier fait main, 151 x 160 x 141 cm,

Mais qui est cet artiste dont ces quatre œuvres produites la même année, évoquent le rejet ou l’abandon social et plus directement des figures du Christ, profondément originales bien que situées dans la grande tradition de la sculpture figurative ? Mais qui est cet artiste qui affirme son athéisme et mobilise avec une grande culture sa formation catholique ?

Risquons une réponse : un immense artiste dont l’objectif est de revisiter l’histoire de la sculpture et dont le doute artistique permanent est doublé d’une quête de la beauté de la forme humaine, un artiste, traversé par la question spirituelle. C’est probablement pour cela que François Pinault a tant investi sur lui.

Jean Deuzèmes


[1Chaque espace d’exposition, chaque salle bénéficie de scénographie spécifique. À la collection Pinault, la salle aux racines religieuses, rassemble des œuvres très récentes (2021) et nouvelles par leur approche. Mais en fait, l’artiste, tel un philosophe, poursuit sa vision de la sculpture sur les mêmes bases théoriques : des concepts — l’armature et l’insertion—et une mise en tension de ses sculptures dans les lieux d’exposition. C’est ainsi qu’il affirme que ses sculptures créent autour d’elles un espace faisant partie d’elles-mêmes. En conséquence, un spectateur n’entre pas dans une salle pour voir des objets sculptés, mais pour faire une expérience de regard. Il accède à un espace social et physique où se côtoient œuvres et regards des autres spectateurs.

[2Choix très audacieux, cette salle fait suite à une installation de type orgiaque, datant de 1992, moment où l’artiste bascule dans les voies de son esthétique du pop au post minimalisme figuratif.

[3Il s’agit de papier mâché utilisé en liquide mis dans des moules pour les différentes parties de corps. Une fois séchées, elles sont assemblées et renforcées.

[4« Pas pu saisir la mort » Biennale de Venise 2007. https://www.youtube.com/watch?v=KSq8iAYmnbE

[5« Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.
Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas.
Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! »
(Mc, 15 37-39)

[6« Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu.  » (Jn 15, 26-29)

[7À l’opposé de cette scénographie, se trouve celle du Grand Palais, la Centennale, lors de l’Exposition Universelle de 1900, où les œuvres saturaient l’espace Voir article et photo

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