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HeHe. Printemps nucléaire



Une œuvre ambigüe et belle. Des maquettes d’enfants, faussement innocentes, de centrales nucléaires. Des nuages jouant avec l’inquiétude. Galerie Saint-Séverin

L’œuvre de ce duo d’artiste est sur le fond d’une beauté inquiétante, voire vénéneuse.

Un paysage de centrales nucléaires est traité comme un univers de jeu pour enfants : des petites maquettes de quatre centrales, deux bâtiments de contrôle, quinze tours de réfrigération, un centre technique. Le tout sort d’une imprimante 3D, les artistes auraient pu en mettre plus sans effort. Cette installation sur notre temps par sa thématique est aussi de notre temps par sa technique.
L’ensemble est déposé avec délicatesse et ordre sur un tapis de granulés de béton et dominé par des sculptures blanches, violettes, vertes phosphorescentes, de volutes d’eau éclairées de lumière noire. Ces représentants de « Cumulus mediocris homogenitus » comme les appellent les artistes tiennent de l’organique, du phallique, du grotesque, mais aussi de la poésie. Ces sujets visuels fascinent par leurs coloris et attirent l’attention sur leur origine : les centrales sont-elles des lieux de beauté ou d’inquiétude ? Le titre « Printemps nucléaire », auquel la commissaire a accolé « Fleur de Lys », est étonnant pour une saison d’œuvres de cette galerie censées traiter du vivant. La beauté est ici grinçante et ne peut qu’évoquer le débat politique actuel sur le nucléaire et sur les projets de mini-centrales dispersées dans les agglomérations, et donc le discours des risques pour le vivant.

Les artistes se sont fait connaître en 2010 par leurs projections de laser vert sur les volutes qui sortaient des hautes cheminées des incinérateurs d’ordure ménagère d’Ivry-sur-Seine, émissions ayant été à l’origine d’un vaste débat politique local, car ces fumées n’étaient pas que de l’eau.
Ils considéraient que leur œuvre faite de prouesse technique incluait aussi le débat social et politique. Ils se refusaient néanmoins à être considérés comme des activistes, mais des artistes posant tout à la fois des questions de société et révélateurs de la beauté au sein des usines [1]

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Nuage Vert à Ivry from HeHe on Vimeo.

Leur démarche sur les vapeurs témoigne de leur grande capacité à mêler le design à la question environnementale et énergétique. (Voir aussi la vidéo d’analyse sur cet art dans l’espace public)
Déjà les impressionnistes étaient fascinés par la modernité des gares et des fumées des locomotives, jusqu’à en faire des tableaux splendides.
Au fond, ils prolongent le geste, mais en changeant le sens (le risque derrière le progrès) et la focale : les volutes se voient à l’échelle des agglomérations, ils insistent à juste titre sur la beauté de ces méga-objets, de l’architecture brutaliste et par la couleur laissent entendre les risques. Au spectateur de dire s’il y voit un objet politique et de débat. Une œuvre sur le fil de l’art.

Jean Deuzèmes. Voir et Dire

Texte de la commissaire

Fleur de Lys, Printemps nucléaire gare

Appelées « centrales », des infrastructures géantes produisent de l’énergie nucléaire non loin des villes pour pourvoir à leur consommation. Inaccessibles, fermées pour des raisons de sécurité, -même leurs empreintes sur les images satellites restent floues-, leur conception résiste à toute intervention architecturale. Conçues par des machines, elles sont rarement créées pour être regardées.

Ce sont ces lieux « d’angle mort » que HeHe, duo d’artistes composé d’Helen Evans et Heiko Hansen, basé au Havre depuis 2017, décide de revisiter.

S’inspirant de l’architecte visionnaire Claude Parent, les artistes se réfèrent au projet qui, en 1974, voit celui-ci repenser la coordination de douze centrales par EDF. Concevoir une architecture propre au nucléaire est alors possible. « Ce qu’il y a de plus beau …, (ce sont) les panaches qui (leur) sont propres, qui font une vapeur d’eau blanche, qui n’abîment pas le paysage et qui font un dessin gigantesque à l’échelle du paysage.
Le vrai mythe de la transformation énergétique de votre petit machin d’uranium en électricité, quel en est le signe pour la population ? C’est ce panache », souligne l’architecte.

Au croisement de différentes disciplines, entre le design industriel et informatique, l’art, et l’environnement, HeHe crée, depuis 2004, des machines paysagères. Son projet de recherche sur la pollution de l’air au cours des vingt dernières années et sa représentation dans la culture visuelle a donné lieu à de nombreux projets d’art public comme Nuage Vert, près des centrales électriques d’Helsinki et de Paris. HeHe incite ainsi, par ses dioramas atmosphériques, à un nouveau regard sur les lieux stigmatisés de la pollution. La place prépondérante donnée au nuage souligne autant les réflexes négatifs de notre conscience industrialisée que l’imaginaire poétique que nous pouvons développer à leur propos.

Le titre de l’installation présentée ici Fleur de Lys-Printemps nucléaire fait référence à la monarchie française et à son analogie avec le champignon atomique. ll évoque également l’emblème de pureté de la Vierge : le lys.

Faisant face à l’église Saint Séverin et s’intégrant à la thématique choisie cette année sur le Vivant, sa présence nous interroge : l’énergie du monde industriel est souvent opposée à celle du monde spirituel. Fleur de lys-Printemps nucléaire nous invite à repenser notre environnement de la manière la plus lucide, vivante, et poétique possible.

Angéline Scherf, commissaire – mai 2022

Biographie

Site des artistes
HeHe, duo d’artistes composé d’Helen Evans (franco-britannique) et Heiko Hansen (allemand), vit et travaille au Havre depuis 2017.

HeHe a participé à de nombreux expositions et évènements artistiques français, européens et internationaux. Son travail a été récompensé par plusieurs prix, tel que le projet monumental Nuage Vert, consistant à projeter une lumière verte sur les nuages formés par une centrale électrique qui a remporté le prix Golden Nica in Hybrid art à Arts Electronica (2008).

Helen Evans et Heiko Hansen enseignent à l’École Supérieure d’art et de design Le Havre-Rouen, où ils coordonnent le pôle Art Média Environnement.

À la croisée de l’art contemporain, du design, de l’architecture avec une conscience affinée sur l’écologie, HeHe a exposé dans de nombreuses institutions culturelles à l’international, dont le Centre Pompidou, la Royal Academy London, le Palais des Beaux-Arts (Bruxelles), le Parc D’Arte Viventi (Turin), le Centre Pompidou, la Royal Academy London, le Palais des Beaux-Arts (Bruxelles), le Parc D’Arte Viventi (Turin), le MAXXI (Rome), National Art Museum of China (Pékin), Biennale de Lyon, San José Museum of Art, Biennale Internationale Design (Saint-Etienne).

HeHe est représenté par la galerie Aeroplastics Contemporary à Bruxelles.


Exposition visible jour et nuit, 24h/24 et 7j/7, du 12 mai au 26 juin 2022 à la Galerie Saint-Séverin.


[1Autorisée par la Direction de la sécurité de l’Aviation Civile, la préfecture de Seine-et-Marne a ensuite interdit cette projection pour des raisons inconnues. Une action artistique sur un objet dématérialisé, comme l’air d’un panache de vapeur, à condition que l’action ne nécessite pas une installation sur la voie publique, n’a pas besoin d’être soumise à une autorisation préfectorale.
Au-delà du spectacle de la projection sur le nuage de vapeur, Nuage Vert est aussi un espace ouvert, un miroir sur lequel chacun peut projeter ses propres questions concernant notre culture de consommation.

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