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PARIS-DELHI-BOMBAY...La grande exposition de l’été au Centre Pompidou.



25 mai - 19 septembre 2011. Une exposition à ne pas manquer au Centre Pompidou. Une volonté de renouer avec la tradition de Beaubourg.

Le Centre Pompidou réexplore sa tradition des grandes expositions fondées sur le dialogue entre la scène française et celle d’une autre société, à l’époque de la globalisation. Cette exposition tient à la fois de l’approche documentaire et des regards croisés d’artistes indiens sur leur propre monde et d’artistes français sur l’Inde.

Dense, ambitieuse, très composite, elle nous parle de la puissance montante derrière la Chine mais en dit long aussi sur quelques artistes français qui se sont diversement intéressés à l’Inde.

V&D vous invite à la visite par la photo, le son et de multiples petits films et introduit à une réflexion critique sur cette approche du Centre.

Le retour d’une tradition à Beaubourg

Initiées par Pontus Hulten, qui fut le premier directeur du centre de 1973 à 1981, afin de "situer Paris dans le flux des échanges", des expositions (Berlin, New York, Moscou) interrogeaient les relations entre Paris, capitale mondiale de l’art jusqu’aux années 1950, et les autres foyers de création du 20e siècle, qui étaient alors tous occidentaux. Cette ambition - situer la scène française dans le flux des échanges - est ici reprise, sous la forme d’un pari, au 21e siècle, mais en tenant compte de la mondialisation artistique et de l’affirmation des "scènes émergentes". Il s’agit bien de parler du développement de la création contemporaine en dehors de l’Occident. On en a eu déjà une petite idée à Lille où, du 4 octobre 2006 au 14 janvier 2007, le Tri postal avait présenté deux expositions-phares (Cliquer Bombay Maximum City- et Le Troisième œil )

Paris - Delhi - Bombay..., se présente donc comme une exposition expérimentale, nourrie par de nombreuses commandes, dans un rapport étroit avec les artistes. Elle est dans l’air du temps, avec de la production en réseau, des artistes français faisant construire leurs œuvres abordant des questions indiennes en Inde même. Cinquante artistes des deux bords présentent des approches très différentes, que les deux commissaires ont tenté non de faire dialoguer mais de juxtaposer par des résonances formelles, pour aller au-delà des clichés.

Beaubourg tente de tisser les liens entre société et art, d’où l’aspect documentaire qui se manifeste dans la partie centrale par de nombreux textes et films. Pour ceux qui n’en ont qu’une vision succincte, c’est l’ occasion de passer plusieurs heures debout, ou, mieux, assis derrière son ordinateur, car le Centre a mis à disposition sur son site Internet de multiples films de l’expo, qui vont aussi bien au-delà.

Visionner le mini-film introductif à l’exposition

Cette exposition relève donc de l’effervescence et de l’expérimentation qui, sans nul doute, seront dépassées dans quelques années, étant donnée la croissance d’un tel continent. Vouloir faire dialoguer deux mondes, c’est un peu faire s’entrechoquer un pot de terre et un pot de fer, en examinant s’ils rebondissent l’un sur l’autre ou se cassent.

Dans la mesure où l’exposition tient du projet, le résultat est largement tributaire des choix des deux commissaires et ne peut pas relever de l’exhaustif. Quand on connaît mal cette culture, on peut supposer que l’exposition est représentative de la diversité indienne et l’on y entre par l’émotion ou l’apprentissage, car il y a du magazine « Géo ».

Cette expo représente un travail colossal de rassemblement de documents à l’échelle du continent indien. Les commissaires ont classé l’ensemble des pièces en six catégories : le politique, l’urbanisme et l’environnement, la religion, le foyer, l’identité, l’artisanat. Le petit livret est un guide bien précieux pour s’y repérer.

Découverte de sept œuvres parmi d’autres.

"Draps-peaux hybridés" d’Orlan signe l’accueil.
Depuis les années 70, cette artiste français avait pris comme sujet son propre corps, en lui faisant subir les opérations chirurgicales les plus diverses, filmées et photographiées pour montrer que ce corps n’est pas une donnée extérieure, qu’il peut être l’objet d’hybridations multiples, que la beauté est multiple et culturelle. Très tôt, elle a été fascinée par la diversité des références culturelles et religieuses indiennes, mais ici elle prend comme objet les codes symboliques de la France et de l’Inde, les drapeaux, invitant ainsi au partage des cultures. Elle les mixe d’une manière simple et efficace, avec des excès de couleur, de lumière et de brillance.

L’œuvre est faite de petits sequins métalliques ronds, accrochés par une perle, régulièrement, à de simples clous. Ils sont soumis au souffle d’un ventilateur qui les fait vibrer sous les feux de spots lumineux programmés. Cette vision ondulante renvoie à tout un exotisme dont les films indiens sont porteurs. L’artiste avait même imaginé recouvrir de la sorte toute la façade du centre Pompidou !

Visionner le film sur cette œuvre et situer ce projet dans le travail d’Orlan

"Remembring Mad Meg", de Nalini Malmi est une installation puissante occupant toute une pièce, qui tient elle aussi de l’hybridation entre des sources occidentales et indiennes. De grands cylindre transparents, sur lesquels sont peints des figures, tournent et sont pénétrés par des images et des couleurs venant de vidéoprojecteurs, dans un environnement sonore de percussions et de chants. L’atmosphère menaçante de cette fresque évoque les conflits religieux et politiques dont les femmes sont les premières victimes.

Cette œuvre fait aussi référence à un tableau de Bruegel l’ancien, Dulle Griet ( ) où un personnage féminin armé est représenté au milieu d’un paysage dévasté. Ici l’héroïne n’est pas l’avidité mais Mad Meg incarne les femmes leaders et militantes de l’Inde contemporaine.

"My Hands Smell of You", de Krishanarj Chonat est aussi une œuvre de militant. Elle se présente sous la forme de deux panneaux que l’on ne voit pas en même temps.

Le premier, à l’entrée, est un mur impressionnant de déchets informatiques dont les fils de souris forment une chevelure de gorgone menaçante. Le second, à la sortie est une paroi recouverte de savon de santal jaune odorant encore. Alors que généralement ce produit est synthétique, ici il provient directement de l’huile essentielle de bois de santal, une espèce protégée.

Même distantes, ces deux œuvres évoquent bien la tension entre deux mondes, l’industriel et le naturel. L’artiste pose avec force et subtilité dans le champ esthétique la question de la protection de l’environnement face au développement économique forcé.

Visionner le film sur l’œuvre

"Think Left, Think Right, Think Low, Think Tight", de Hema Upadhyay, évoque le plus grand bidonville de Bombay, Dharavi, en le reproduisant à la verticale en miniature. Constituée de matériaux récupérés (tôles, tuyaux, fils, etc.) l’œuvre en deux parties, que l’on traverse, donne une impression d’oppression et évoque la densité de la surpopulation.

Mais l’artiste rend hommage aussi aux habitants qui ont su créer, malgré d’innombrables difficultés, une ville dans la ville, avec ses rues, ses fils électriques, ses lieux de culte, ses commerces.

Une économie informelle se révèle ainsi d’une grande efficacité sociale et économique.

"Sans titre", deJean Michel Othoniel est une œuvre dans la veine de cet artiste du verre qui sait faire du merveilleux avec ce matériau mais aussi avec d’autres moins usités comme le soufre, et dont le Centre Pompidou a rendu compte dansune prodigieuse exposition antérieure .

L’artiste a réalisé une sculpture-instrument de musique formé de trois mats portant lames et cloches de verre qui sont dans l’esprit et les couleurs des décorations indiennes. En enregistrant, sous la forme d’un morceau de percussion, ces verres s’entrechoquant, l’artiste a voulu rendre compte de l’éblouissement de sa rencontre avec des artisans verriers indiens et du caractère strident de la taille des verre qui l’avait beaucoup marqué.

Visionner le film autour de cette œuvre, à entendre et à voir.

"L’installation (Place publique d’intérieur)", de Philippe Ramette représente une jeune fille en bronze tentant de grimper sur le socle d’une statue publique qui, traditionnellement, devrait accueillir un personnage célèbre de l’Inde. Il retranspose une place, avec la petite grille symbolique de protection que l’on voit partout. Ici la jeune fille, très décidée, transgresse l’interdit du passage.

Cela peut être interprété comme la métaphore du pouvoir de demain, dans un pays où les femmes luttent pour leur reconnaissance. L’intérêt de cette pièce réside aussi dans sa fabrication et dans la relation que l’artiste français a entretenue avec les artistes indiens durant ses multiples séjours pour fabriquer l’œuvre.

Visionner le film pertinent sur la genèse de cette œuvre et sa place dans la trajectoire de l’artiste (truculent). http://www.dailymotion.com/playlist/x1m5qo_centrepompidou_paris-delhi-bombay/1#videoId=xj5pdu

"Half Widows", de Shilpa Gupta est une vidéo projetée directement au sol, très envoûtante qui aborde le conflit entre l’Inde et le Pakistan à propos du Cachemire. L’artiste y joue à la marelle vêtue d’un kurta (l’habit traditionnel des hommes cachemiris), blanc , signe de deuil, en récitant un poème. Il s’agit d’évoquer le sort de ces femmes qui n’ont aucune nouvelle de leur mari mobilisé, des « demi-veuves ». Ici, le caractère lancinant du poème fait ressentir dans cette détresse nostalgique.

Cette œuvre permet l’empathie avec des individus d’une autre culture et pose un problème politique de conflit régional, spécifique mais par ses conséquences individuelles à valeur universelle.

Visionner le film

"Beyond Gods", de Riyas Komu traite du football. En Inde, le sport national est le cricket, et les footballeurs sont souvent des personnes d’une classe inférieure, des stigmatisés.

L’œuvre impressionnante se présente sous la forme de onze paires de jambes sculptées dans du bois, disposées comme à la parade d’une équipe nationale. Elles supportent un tuyau en bois sculpté, qui évoque un pipe-line ou de gaz, celui des ressources naturelles, ici l’énergie de la jeunesse et des défavorisés. Les mots « Allahu Akhbar », « Dieu est grand », y sont inscrits en caractère coufique. Le sport est ainsi désigné comme une religion pour ces classes défavorisées, auxquelles il apporte de la cohésion sociale.

L’œuvre n’est pas une critique mais une sorte de cri d’un passionné de foot.

Un expo sans critiques ?

Le journal Libération a traité de secondaire cette exposition par rapport à celle de Lyon sur le même sujet au même moment : « 

Une expo « études culturelles » où il n’est pas sûr que l’exotisme et l’orientalisme perdent quelque chose . »

Tandis que le blog de référence « Lunettes rouges » titrait :

« Delhi Bombay oui, mais Paris ? Où est donc passé Paris ? …Devant de nombreuses pièces des artistes indiens, j’ai eu le sentiment très clair de ne pas avoir tous les codes, toutes les histoires permettant d’entrer dans leur travail. Et ce n’est pas la rotonde pédagogique à l’entrée qui les donnera. Comme à Lyon, je me trouve désarmé face à un certain gigantisme, une certaine exubérance, me contentant d’un regard esthétique occidental : trop de casseroles, trop de papier peint, trop d’émerveillement naïf, béat et pas assez de compréhension. »

En fait, cette exposition est une première sur un sujet immense. Elle est faite d’engagements de commissaires et de bien des contraintes que le visiteur ignore. Elle est présentée de manière accessible, émotive et réflexive, pour peu que l’on prenne le temps de la voir. On y butine ce que l’on veut, on en ressort avec sa part de miel et d’interrogations. Il y a du pédagogique dans la manière de présenter les œuvres. Et alors ! Quand on découvre, cette formule n’est peut-être pas si mauvaise pour se familiariser et passer au-delà des installations de batterie de cuisine de Subodh Gupta, que l’on voit désormais partout dans les expos globalisées de l’art.

Bref, malgré les présupposés de l’expo, le « reporter » de V&D a apprécié de la voir deux fois !!

Pour approfondir ou initier à la visite depuis son ordinateur…

 Subodh Gupta, est l’artiste indien le plus connu, car ses œuvres mobilisent beaucoup de matériels de cuisine . Ali Baba est une installation profondément ancrée dans la tradition quotidienne, mais toujours moderne. Visionner le film

 Découvrir la démarche d’un artiste français gargantuesque, Gilles Barbier, et ses rapports avec l’Inde. Visionner le film « The Game of Life »

 Stéphane Camais a refusé d’ aller en Inde et est demeuré dans l’imaginaire pour trouver une réponse à tous les exotisme qui nous habitent.
Visionner le film où l’artiste dessine une grande composition abstraite et florale.

 Dodyia Atul : La question de la dot en Inde. Visionner le film sur son œuvre.

 Une installation de Leandro Erlich. Visionnez « Le Regard », un film d’une grande intelligence sur le dialogue des cultures, France/Inde.

 Écouter la bande sonore qui a saisi tout le Centre Pompidou durant l’exposition et visionner le film des origines de ce collage sonore.

[(Pour préparer votre visite

Plan et livret de l’expo

)]

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