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Pierre De Grauw. "Job révolté". Nuit Blanche 2014 à Saint-Merry



Nuit Blanche 2014 à Saint-Merry : Cinq statues impressionnantes en plâtre et en bronze d’un grand plasticien français. Les dessins de l’artiste. Film, musique et performances. Un événement - manifeste conçu par Jacques Mérienne

Pour la Nuit Blanche 2014, cinq statues plantées sur leur socle sont installées au milieu de l’église, les pieds dans le sable.
Saint-Merry avait déjà un bronze de l’artiste, « Le Christ aux outrages » mais il a été possible de faire venir des plâtres de l’atelier de l’artiste et de son fondeur.

"Job crie sa révolte entouré de ses amis qui tentent de le raisonner, sur la place du village…Ce cri nous l’entendons grâce à, mais aussi au travers des interventions vivantes de divers artistes, chanteurs, danseur, musiciens.
Un peu plus loin l’huile coule sur la barbe d’Aaron… le Seigneur protège ses enfants. Les épreuves plâtre de cet ensemble gardaient l’empreinte de la fébrilité du sculpteur. La patine des statues nous rappelle combien le temps file vite… »
présente Jacques Mérienne, metteur en scène et curé de Saint-Merry, dans le flyer donné aux visiteurs.

Si cette exposition montrait la profondeur de l’œuvre de Pierre De Grauw, elle s’insérait avant tout dans un événement plus large et constituait un manifeste artistique, celui de Jacques Mérienne. Une sort de point d’orgue dans la mission de ce responsable du CPHB durant plus de 10 ans.

Jean Deuzèmes

**La sculpture accompagnée des autres arts

L’événement du 4 octobre 2014 à Saint-Merry, ne se limitait pas à une splendide mise en valeur de statues à laquelle avaient contribué une scénographie aboutie et un éclairage totalement maîtrisé, c’était avant tout un système de mise en abîme et de correspondances entre diverses œuvres nourries du même texte universel : Job. Cet évènement était très différent de l’approche « Job et les artistes », une exposition parisienne de 2013 (Lire V&D)

Il y a avait ainsi :
  cinq sculptures [1]
fragiles et restaurées pour l’occasion,
  une rangée de dessins et gravures de Pierre de Grau, dans la pénombre
  la musique de Fabien Nicol Alea, composée à cette occasion
  un film étrange à l’entrée du chœur, en fond d’écran, un extrait de celui réalisé par Jacques Mérienne en 1983
  les interventions vivantes de l’équipe de Achille et Colline Aubry
  des pièces d’orgue.

L’ensemble pouvait être appréhendé comme une sorte de quintessence de la conception « saintmerienne » - ou « Mérienne » si l’on insiste sur la place du metteur en scène » - de l’évènement Nuit Blanche dans cette communauté catholique : rendre l’art vivant et accessible par l’émotion, être exigeant sur le fond et la forme avec des moyens réduits, mettre les artistes au cœur de l’événement, mobiliser toute une communauté cette année encore autour du projet de son curé.

C’est probablement là où résidait la différence par rapport à ce que l’on pouvait observer dans d’autres églises parisiennes se contentant de présenter des œuvres : Saint-Merry entendait maîtriser complètement de l’espace, assurer la cohérence et éviter l’hétéroclite, affirmer une vision des arts comme non dissociable d’une foi collective exprimée, mobiliser un groupe de fidèles aussi nombreux que possible.
.
L’entretien ci-dessous est significatif d’un événement, d’un projet pensé pendant plusieurs mois, voire rêvé depuis des années.

Jean Deuzèmes

**Un projet venu de très loin

Les extraits du film de Jacques Mérienne « Les mottes des ravins sont douces à sa dépouille » dataient de 1983, probablement de la même date de production des plâtres. L’étrangeté des séquences projetées à l’écran tenait à la séparation des images en deux, un homme assis regardant le spectateur, à gauche, et le même personnage, à droite, courant dans l’affolement et tombant brutalement : l’homme face à ses questions, la chute de l’homme, thème régulièrement abordé par l’art quel que soit le médium.

C’était il y a trente ans. Mais le désir demeurait d’affirmer que le cri de révolte sera toujours présent, que chacun est successivement dans sa vie, Job et l’ami d’un autre Job.

En 2014, le projet était mûr. L’option prise a été d’accentuer l’émotion issue de ces statues, de faire partager cette réalité humaine en jouant la convergence des arts, en mêlant arts vivants et arts visuels, ce que l’on trouve d’ailleurs dans les mises en scène contemporaines des opéras .

C’est ainsi que l’acteur des scènes du film, Achille, ami du réalisateur, était présent dans l’église et dirigeait la partie live, lisant avec puissance des morceaux d’un texte particulièrement fort, composé par Jacques Mérienne (à télécharger ci-dessous) : le cri de Job revisité dans les mots d’une autre époque.

[…] Ma gloire brillait comme une arme neuve.
Et maintenant je suis la risée des chansons grasses du peuple
Hier encore ils étaient à bout de misère,
Ils suçaient des racines,
Et maintenant c’est moi le minable,
Impuissant et mou !
Ils rigolent et me tombent dessus
Ils se ruent dans mes ruines.
Maintenant je crève,
La nuit m’éteint,
Mon corps se vide
Dans la boue.
Je cris encore, […]

Plus encore troublant, c’était la fille de l’acteur qui dansait à la fois devant les statues et devant l’écran, une tentative de mise en abîme.

Une affaire de famille, d’amis, de troupe d’artistes cette Nuit Blanche à Saint-Merry ? Peut-être un peu. Mais surtout et avant tout, une attention extrême au cri de Job, une volonté de le faire résonner chez le visiteur. Telle était l’intention ouvrant sur moult interprétations.

« La croisée du transept : un espace où l’on se croise, on se rencontre, on s’ignore. Justement dans la partie à droite de l’écran, un homme court au bord d’une route.
Il regarde derrière lui, apeuré, il fuit. On ne sait quoi, on peut imaginer : une vision d’horreur, un désastre, un drame personnel, le mépris, la violence, peur d’être massacré ? Est-il coupable, ou se sent-il coupable ? Rejeté par notre société ?
Dans cette dernière situation, comme on n’est plus rien, la tentation est forte de s’enfuir vers un ailleurs, vers nulle part… Épuisé, cet homme qui court va s’affaler. À travers son vêtement on perçoit les battements de son cœur.
À gauche de l’écran c’est toute autre chose.
À moins que… il s’agisse d’une autre forme de fuite ? Un homme, bien habillé, est présenté de face. Sur le bord d’une route nettement plus agréable que celle de son voisin de droite, il ne semble attendre personne. C’est nous qu’il regarde de temps à autre, seule relation avec l’autre. Impossibilité de communiquer, perte de son humanité. Qui est-il ? Personne ? Comme toute cette société qui nous enferme et nous manipule. Serait-il notre miroir, ou bien un juge qui condamne ? Aurait-il fui lui aussi à sa manière les tragédies du monde ? » Jacqueline Casaubon

**Entretien avec Jacques Mérienne publié dans la Lettre de Saint-Merry

« Un artiste, un lieu, une foule de passants nocturnes… pour viser le cœur. »
C’est ainsi que Jacques Mérienne résumait l’événement et son parti-pris pour les rédacteurs de la Lettre d’info.

Lettre d’info : Quel est principe de la Nuit Blanche à Saint-Merry ? Quels ingrédients ?

Jacques Mérienne. La Nuit blanche 2014 à Saint-Merry répondra aux mêmes principes que les années précédentes : il s’agit de confier à UN artiste UN lieu pour y accueillir UNE foule de passants nocturnes. Pour une belle Nuit Blanche il faut ces trois unités et tous ces ingrédients intégralement. Sinon la soupe est fade. Et surtout ne pas en ajouter pour récupérer l’événement (du genre ; il faudrait « donner un tract pour présenter le CHPB », « à quoi ça sert si on n’en profite pas pour parler de Jésus », etc… en plus naïf ou en plus sophistiqué), sinon la soupe est amère. Lorsqu’on veut en rajouter une couche c’est qu’on ne fait pas confiance à l’hospitalité de l’artiste, ni à celle de l’église (construite pour ça), ni au désir des passants de découvrir de l’inconnu. On oublie que l’Esprit travaille au cœur de l’homme et non à sa surface. À Saint-Merry, nos Nuits Blanches visent le cœur, depuis le mur de chaises de Hugo (2005) jusqu’aux misères lucioles de Pascale (2013). L’évangélisation par surcouche ne vient pas de l’Évangile, pourquoi pas une couche de vitrificateur pendant qu’on y est ?

Lettre d’info : Pourquoi ce choix de Pierre de Grauw dont « le Christ aux outrages » fascine les passants dans l’église ?

JM : Pierre de Grauw est le premier artiste contemporain invité à habiter Saint-Merry par Xavier de Chalendar, il y a donc un peu moins de quarante ans. Il s’en souvient, et le Christ assis aussi. Savez-vous à quoi on reconnaît une bonne statue ? Quand on la place au milieu de la nef elle n’est pas écrasée, rapetissée, ridiculisée, mais au contraire elle s’empare de l’espace, le gonfle, le vivifie. Lorsque nous avons déposé JOB dans la nef, la grande porte ouverte, immédiatement deux fois plus de passants sont entrés. Venez voir !

Lettre d’info : Tu t’es entouré encore une fois d’une belle équipe !

JM En effet. Aux côtés de Pierre de Grauw, sculpteur, et Fabien Nicol Alea, compositeur, toute une équipe pour les interventions musicales et chorégraphiques en direct autour de Achille, Coline et Max Aubry, avec Frédéric Blondy. Pour la scénographie et la régie technique également toute une équipe autour de Baptiste Jox et Thomas Monnier, pour la restauration des statues Marguerite Lantz, pour la vidéo Anne Galland et Julien Colardelle, et pour l’accueil du public, Philippe Pépin

Lettre d’info : Sur le plan pratique, comment se déroule la soirée ?

JM
La Nuit Blanche est par excellence un événement du seuil, au cœur de la pratique du CPHB. L’événement est profane, accueillir une foule pouvant atteindre 20 000 personnes, mais nous le portons en tant que communauté chrétienne libre. Venez servir le café (ou envoyez des gâteaux), venez vous attabler pour discuter avec des inconnus, passer un moment chez vous sans reconnaître que c’est chez vous parce que cela ne vous appartient plus. Cela commence à 20 heures samedi soir et, si tout se passe comme les années précédentes, se termine vers 3 heures. Durant cette Nuit profitez-en pour aller visiter d’autres lieux, ils sont nombreux.
Venez, vous –aussi, écouter la révolte de Job, mise en musique par Fabien, relayée par des chanteurs, musiciens et danseurs. Venez vous révolter avec nous contre ce monde dont on ne veut plus, pas contre ceci ou cela, mais contre tout, une bonne fois. Job n’a pas franchi la ligne rouge, il ne s’est pas révolté contre Dieu, mais il n’a pas mâché ses mots. Ces mots c’est Dieu qui les a mâchés et en a fait la chair qui est notre nourriture à tous, à tous les hommes

Ensemble de statues de Pierre de Grauw
 Job / Amis 1 et 2 / Le Cri
 La barbe d’Aaron / Le Christ aux outrages (du fonds Saint-Merry)
 Ensemble de gravures et dessins.

• « JOB révolté » composition électroacoustique de Fabien Nicol Alea (textes de J. Mérienne)
• Interventions « lives » sous la direction de Achille et Colline Aubry
• Projections Video : extrait film , « les mottes des ravins sont douces à sa dépouille » (Jacques Mérienne)

Régie technique : Julien Colardelle, Marika AUBRY et Baptiste Joxe
Restauration des statues Marguerite Lantz

**Le Christ aux outrages, une œuvre permanente à Saint-Merry

La statue de Pierre de Grauw et les autres œuvres contemporaines à Saint-Merry

L'art contemporain à Saint-Merry from Voir & Dire on Vimeo.

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[1Dates de création :
 2005 pour la grande tête d’Aaron (avec du cuivre).
 de 1992 à 2000 pour les trois plâtres formant le groupe de Job, qui ont ensuite été réalisés en cuivre en 2004, puis placés à Pont-Scorff en 201019.
 1981 pour Le Cri qui a été réalisé en cuivre en 83, puis placé comme monument à la Résistance à Bagneux (Hauts de Seine) en 1995.

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