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Yayoi Kusama. Rétrospective au Centre Pompidou



La folie débordante et créatrice. 10 octobre 2011 - 9 janvier 2012.

Le Centre Pompidou propose une grande rétrospective de l’artiste japonaise pop qui, à partir de son obsession pour les pois multicolores, a fait une œuvre proliférante utilisant tous les supports de la création.

Jacqueline Casaubon l’a visitée avec enthousiasme.


En introduction, la bande annonce du Centre Pompidou

Hallucinations ?

A peine le seuil franchi, nous sommes « ailleurs » dans une salle à manger reconstituée…elle est constellée de confettis multicolores, suspendus dans l’air qui semblent se coller sur nous, mais il n’en est rien. Ils sont insaisissables. Une apparence de fête : des confettis !

Ou plutôt une fête en apparence, c’est l’histoire de la première hallucination
De Yayoi Kusama, enfant, qui aurait été le point départ de ses peintures.

Légende ou pas, la petite fille a vu, tout à coup, les fleurs imprimées sur la nappe se disperser partout dans la pièce, au plafond, tout autour d’elle, sur son corps et puis dans tout l’univers. « Elle fut saisie de frayeur, et peindre était la seule façon de se maintenir en vie. Faute de quoi, elle s’acheminait vers un anéantissement total ». Ce sont ses propres termes.

Peintre de grand talent, sculpteur, ses écrits vont nous accompagner tout au long de l’exposition. Chaque salle nous fait découvrir l’évolution de son art au fil des années.

L’exposition est importante. Première rétrospective en France, il serait dommage de la manquer.

Aujourd’hui à 82 ans « elle travaille sur l’image de la mort regrettant que dans notre monde actuel on ait perdu la sérénité » de cet ultime moment ainsi que du néant qui vient après…

Que retenir d’une telle prolifération ?

Je retiens dans les premiers oeuvres la gravité des couleurs sombres et chaudes, et les multitudes d’yeux et de cercles dans lesquels le regard s’enfonce sans être agressé. Je m’attarde devant quelques tableaux dont les titres ne laissent pas indifférents : « Je quitte le nid », « Le souvenir de la citrouille et du renard ». « L’esprit va s’ouvrir »

Plus loin, de grands tableaux carrés se font face, il y a « Un conte bleu rempli de ma vie « 

Un autre tout rose avec des hommes et animaux qui marchent les uns derrière les autres et encadrent la toile en frise.

« J’espère que l’amour infini de l’humanité enveloppera l’univers entier »

A l’angle d’une grande salle, des silhouettes gigantesques rouge sang s’élancent dans les hauteurs : Plantes sorties de l’eau ? Phallus en érection ? Langues de feu venant des profondeurs ? Une vie intense puis immolation dans un ultime éclatement ?
Peu importe, de toutes façons c’est magnifique.

En face de cette sculpture, des phallus plus petits, tourmentés, en étoffe blanche contrastent étonnamment, par leur pâleur cadavérique, émergeant de meubles simples à l’usage des femmes… Chaos, un échec, une humanité réduite à quoi et vers quelle issue…

Besoin de l’artiste d’exorciser ses fantasmes ou bien, plus elle leur fait prendre forme plus ils l’envahissent. Tout est disloqué en morceaux comme son corps éparpillé dans l’univers.

Son séjour aux Etats-Unis ne lui fait pas oublier sa culture d’origine, je retrouve dans son tracé en encre de chine, fait de lignes parallèles des réminiscences des estampes de Shunshô Katsukawa au 18e siècle.

A la recherche des œuvres de Y. Kusama sur Internet, j’ai découvert des natures mortes : vases, théières, fruits traitées de cette manière, qui m’ont séduite. On peut les voir à la Viktoria Miro Gallery à Londres…

Les pastilles rouges, ces pois qu’on retrouve partout sont des trous.
Elle est elle-même, un de ces pois, perdue « dans l’univers dont elle veut mesurer l’infini ».

Dans une vidéo, on voit Yayoi Kusama circuler à New York sous son ombrelle recouverte de fleurs roses comme son Kimono, mais quel contraste, lorsqu’ on s’approche de son visage, le regard est lourd et tragique. En fin de parcours je me trouve dans une salle de miroirs ponctués de pastilles rouges immenses et minuscules, au centre une gigantesque sculpture de femme recouverte de ces pois, elle est bien de la même génération que celles de Niki de St Phalle.. il faut regarder au sol pour ne pas se heurter aux murs trompeurs qui se multiplient dans un enfermement qui amène à nulle part.

On est assaillis comme à l’entrée, mais ce n’est plus tout à fait l’inconnu, quoique… l’inattendu nous attend un peu plus loin…

Car pour terminer, voici les lucioles, que tant de poètes japonais ont célébrées.
En entrant dans la dernière salle, passage » obligé », tout est dans l’éclairage de petites lumières de toutes couleurs, une marche sans fin dans la nuit sans aucun point de repères tout est dans l’illusion, avec un jeu de miroirs et des centaines de petites lumières qui s’allument et s’éteignent en changeant de couleurs, vous croyez être à côté de tel visiteur ; erreur il est tout là bas devant vous. Vous manquez de traverser un miroir, le monde se dérobe, vous échappe.
Un trou, un vide, on marche on regarde au loin, pas de mur qui obstrue, ce serait cela le néant …

Je sors de là décidée à revenir pour voir ce que je n’ai pas encore vu de cette grande et stupéfiante artiste qui n’arrête pas » de créer un art pour le repos de son âme ».

A côté de moi et un peu partout des jeunes enfants circulent avec leurs parents, ils rient et s’amusent de ce qu’ils voient, ainsi vont nos vies !!!

Et l’expo continue dans la rue, du dehors on aperçoit à travers la vitre du musée certaines œuvres dont la robe fleurie en métal d’argent suspendue au mur par un cintre.
Un vêtement, en attente, qui n’a pas encore trouvé son corps, peut-être celui de Y. Kusama ?

Jacqueline Casaubon du réseau V&D


Pour aller plus loin, le point de vue d’un psychanalyste

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