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Anne Lise Broyer. Elle est ravissante
Dans l’ombre de G. Bataille, une installation minimaliste qui multiplie les références. Un geste d’amour scénographié. Une justesse, belle et accessible.

Étonnante installation nourrie d’un texte de G. Bataille sur sa compagne à l’agonie. Il lui offre une rose, il note ses réactions, mais aussi les siennes. Anne Lise Broyer qui utilise tous les médias, et notamment la photo et le dessin, pour évoquer les troubles des sentiments et provoquer ceux du visiteur, s’en empare dans une scénographie réduite à presque rien et, en fait, hautement sophistiquée.
Cette œuvre est dans la veine actuelle de la galerie qui privilégie le tissu dans l’art contemporain, ici l’intégration à une rose séchée de pétales et feuilles faites de dentelles. Une prouesse technique qui nécessite de s’arrêter et de se laisser embarquer dans un univers de nostalgie et de tendresse.
Un contexte qui permet au commissaire de situer la place de la rose dans certaines œuvres d’art emblématiques. Une ode à ce qui reste à vivre, brillante et sensible.

On connaissait les poèmes de Plutarque à Laure et la traduction qu’en avait faite Giusepe Penone dans de grandes installations du début des années 2000 où des murs pleins de feuilles de laurier séchées subjuguaient le visiteur par leur odeur. Ici l’approche est totalement différente, mais elle part pareillement de la littérature : un texte intime de Georges Bataille (lire dans le portfolio) et l’artiste construit ici son œuvre avec l’exposition d’un texte (elle est spécialiste des livres d’artistes), de deux photos sur le tombe de Laure, et de cette rose, étonnante. Le fond blanc renvoie à autre chose que le cube blanc d’exposition.

L’œil va de l’une à l’autre des composantes de l’œuvre où le vide prend une place considérable (comme dans la précédente exposition d’ailleurs). L’installation a été programmée en outre dans un entre-deux du calendrier : la Toussaint et la Nuit Blanche 2016 . Or cette dernière a été construite sur un fameux texte d’amour du XVe, Le songe de Poliphile, découpé en séquences urbaines. Curieusement l’installation de la galerie Saint-Séverin fait partie du Off sous le titre « Chapitre 3 : Il l’a poursuit en songe car un amour sans merci tisonne son cœur »
Décidemment, dans cette vitrine dont les contraintes volumétriques constituent le premier défi des plasticiens, le choix artistique épuré est bien plus complexe et mystérieux que le titre indique, "Elle est ravissante". Le vide attire, dit un essentiel du sentiment et rend passionnant le commentaire savant du commissaire.
Jean Deuzèmes
**Présentation par Yves Sabourin
Malgré l’éventuelle tristesse du thème, les images travaillées par l’artiste nous abandonnent dans une réalité adoucie par le choix des teintes d’or. La photo qui montre la tombe de Laure envahie par les mauvaises herbes devient le sol, un tapis de dorure, puis celle qui matérialise sa mort par l’écrit de Georges Bataille devient portrait…
DU 30 SEPTEMBRE AU 4 DÉCEMBRE 2016