MAYARA FERRÃO. ALBUM DE DESOUBLI (2024)

On peut passer à côté sans le voir, mais rapidement on revient sur ses pas pour examiner un panneau de petites photos, dans le pavillon « Futurs ancestraux » des Rencontres Photographiques d’Arles 2025, qui expose la photographie brésilienne (année France-Brésil). Cette œuvre est en effet illustrative du titre général de l’évènement « Images indociles » arlésien, à de multiples niveaux.

La question initiale porte sur l’histoire de l’esclavage au Brésil « construite par des mains blanches et patriarcales », et notamment sur l’affection entre les femmes esclaves noires.
Mayara Ferrão, plasticienne et cinéaste née en 1992 à Salvador, remet en cause l’histoire officielle en utilisant l’IA pour recréer des scènes d’amour entre femmes.

Acte premier d’indocilité par rapport à la photographie. Que ces scènes aient eu lieu ou pas, le pouvoir de l’imagination suffit à les justifier « Pour désoublier l’amour entre femmes noires, il faut créer de nouveaux souvenirs de ce dont on ne pensait pas pouvoir se rappeler » (Fernanda Silva e Sousa).

Pour cela, elle compose chaque image en faisant apprendre à son IA, ce que l’algorithme utilisant des bases de données blanches et racistes. Puis, elle utilise des archives officielles pour créer des images qui n’existaient pas pour attirer l’attention sur les angles morts de l’Histoire. Deuxième indocilité.

Enfin, elle procède à des tirages de type vintage, en petits formats (alors que la photographie contemporaine joue sur les grands formats) et les disposent comme dans un cabinet de curiosité. Troisième indocilité, vis-à-vis de la doxa.

Et paradoxe, cette artiste fut critiquée pour avoir donné une vision romantique de ce type de relation !

Jean Deuzèmes