Cette exposition suit donc un chemin chronologique
1- La désintégration de la matière :
À l’aube du XXème siècle, les découvertes scientifiques sur la composition de l’atome et la radioactivité qui en émane bouleversent le rapport à la matière sur lequel repose la représentation artistique de la réalité. La matière est désormais comprise comme énergie, ce qui permet d’imaginer un art affranchi de la pesanteur et de l’opacité des apparences de la nature. Deux voies se dessinent : l’abstraction mystique recherchée par Vassily Kandinsky et Hilma af Klint, d’une part, et l’art conceptuel de Marcel Duchamp, inspiré par les phénomènes infra-sensibles, d’autre part.


2- La bombe :
L’invention de la bombe atomique et son utilisation destructrice contre le Japon par les États-Unis en août 1945 marquent un point de bascule de l’histoire moderne de l’atome, inaugurant un nouvel « Âge atomique ». Les artistes du monde occidental en proposent des lectures multiples : certains s’en tiennent à une neutralité esthète et à une fascination pour les mondes inconnus révélés par la physique, d’autres engagent une critique de la « spectacularisation » des explosions, d’autres encore tentent de représenter cette irruption du tragique au sein de la condition humaine. Les plus grands artistes de la deuxième moitié du XXème siècle investissent l’idée et l’histoire de l’atome destructeur et d’une nouvelle cosmogonie : Francis Bacon, Salvador Dalí, Lucio Fontana, Gary Hill, Pierre Huyghe, Asger Jorn, Yves Klein, László Moholy-Nagy, Barnett Newman, Sigmar Polke, Jackson Pollock, Thomas Schütte, etc.




Après la guerre, l’explosion représentée par un très grand champignon devient une image omniprésente, emblématique de la mondialisation du conflit et des communications. Véhiculées par la culture populaire, ces représentations participent de l’impérialisme américain, de la technoscience et de l’essor du capitalisme mondialisé dans les années 50-60.
Dans le même temps, le bloc communiste mène ses propres campagnes de propagande pour la domination nucléaire. Du côté du Japon, les premières représentations oscillant entre réalisme et surréalisme sont suivies par des collectifs qui mènent des manifestations
« Anti-Art », mettant en cause le colonialisme américain et la nouvelle forme du militarisme japonais.
3- La nucléarisation du monde :
Progressivement, à partir des années 1970, de nouvelles formes d’engagement politique apparaissent, souvent liées à une conscience écologique accrue de la menace que peut représenter l’énergie nucléaire pour l’humanité. L’homme perd la place centrale qu’il occupait auparavant dans une tragédie dont il était à la fois le bourreau et la victime. Depuis l’accident de Tchernobyl notamment (1986), c’est désormais le vivant dans son ensemble qui se retrouve au cœur des préoccupations artistiques.


Les mouvements pacifistes, antinucléaires ou contre-culturels développent une critique politique de la production nucléaire. Cette mobilisation est liée à d’autres mouvements politiques qui émergent à cette période tels que le féminisme ou l’anticolonialisme.
Exposition de l’argumentaire
Le Musée d’Art Moderne de Paris propose de revisiter l’histoire de la modernité au XXème siècle à travers l’imaginaire de l’atome. L’exposition invite le public à une exploration des représentations artistiques suscitées par la découverte scientifique de l’atome et de ses applications, en particulier la bombe nucléaire dont les conséquences dévastatrices ont changé le destin de l’humanité. En réunissant près de 250 œuvres (peintures, dessins, photographies, vidéos et installations), ainsi qu’une documentation souvent inédite, l’exposition montre, pour la première fois dans une institution française, les positions très différentes prises par les artistes face aux avancées scientifiques et aux controverses qu’elles suscitent. Traitant d’un sujet plus que jamais d’actualité, elle s’inscrit dans la volonté du musée de faire écho, dans sa programmation, aux préoccupations culturelles et sociétales contemporaines.