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Paul Walker Hamy. Construire des ruines



À Saint-Merry, en novembre 2020, deux sculptures de grand format ont été mises à l’abri, dans l’urgence. Paul Walker Hamy aime travailler dans la rue avec des matériaux de récupération. En intégrant l’église, une autre dimension apparaît.

L’histoire de cette œuvre tient du conte de Noël, avant l’heure. Paul Walker Hamy, 38 ans, est avant tout comédien qui fait du cinéma. Mais en autodidacte, il dessine, découpe, sculpte. Il habite à côté de Saint-Merry, dans un des logements pour artistes de la Ville, devant le Centre Pompidou.

Il aime les matériaux pauvres et, un peu à la Agnès Varda, ou plus loin encore tel un surréaliste, il se promène dans les parcs et jardins de Paris, comme si son nom Walker l’avait prédisposé à cela. Il récupère des bois et, en les liant entre eux, réalise chez lui durant le confinement des sculptures. Comme il travaille le monumental, en juin l’espace familial ne suffit plus. Il descend sa sculpture en forme de pied sur la place Edmond-Michelet et y continue son œuvre. Aucun problème, Paris est alors vide de ses touristes. L’artiste continue sa collecte, puis produit une main monumentale, attire l’attention d’un maigre public. Ses sculptures deviennent un lieu de jeu et de convivialité (voir sa vidéo).
Il obtient de l’adjoint à la culture une autorisation administrative d’exposition jusqu’au 15 novembre.
Un soir le père Alexandre, curé de Saint-Merry, sort son chien Houdini et engage la parole avec l’artiste travaillant la nuit, en simple voisin.
Or le temps presse pour l’artiste qui doit protéger ses œuvres de la « menace » des services de nettoyage. Il a l’idée de demander un espace à l’église, bien connue pour ses expositions et qui est alors dans un creux de programmation. L’espace est grand et beau, de plain-pied avec la rue, l’idéal. Il cherche à voir le curé et découvre alors l’identité du promeneur de la veille. L’entente est immédiate. L’église est par définition hospitalière, l’artiste choisit deux espaces, Saint-Merry devient une sorte de crèche pour un artiste et ses œuvres. Main et Achille sont installés en novembre.
Mais ensuite, c’est lui qui va fabriquer la crèche de l’année.

Achille

Ce pied immense traduit, par sa structure, la fragilité de l’homme. Posé devant l’autel baroque de la chapelle de Boffrand, il évoque une ruine, un chef-d’œuvre oublié.
En voyant la grandeur de cette sculpture, on comprend aisément le choix que l’artiste a fait de la descendre de son logement sur l’espace public. Elle était posée à plat, il l’a alors inclinée pour lui donner du mouvement, comme dans la statuaire grecque puis romaine. Du héros, il ne reste que le pied.
Paul Walker Hamy est grand et est basketteur, il connaît l’importance du pied. On pourrait risquer que Achille tend vers un autoportrait.
À la place du marbre ou de la pierre, à la place de la matière, il dessine le volume avec ses branchages. Tout est transparent et léger ; il laisse voir le tableau de Coypel et notamment le pied du serviteur de l’auberge, qui monte les marches en direction de la table du Christ et de ses compagnons. Les esthétiques s’entrelacent à plusieurs siècles de distance.
Cette démarche artistique fait penser aux sculptures de Julio Gonzalez, le père de la sculpture moderne en fer, qui, dans l’entre-deux-guerres, évidait la matière et travaillait les volumes de manière linéaire ou par plan (voir « Femme se coiffant » >> https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/czbEdE). Lui aussi récupérait sa matière dans les décharges ou chez les ferrailleurs, en compagnie de Picasso(voir présentation de son œuvre >>> https://juliogonzalez.org/.).

Main

Cette main tendue vers la voûte est ambigüe : Saisit-elle ? Présente-t-elle quelque chose ? Désigne-t-elle ? On s’interroge sur sa lisibilité.
Paul Walker Hamy pensait bien sûr à Michel-Ange.
Mais aussi et surtout à Rodin qui n’a cessé de travailler les membres humains au plâtre, séparément, et puisait dans les caisses où ils avaient été déposés avant de les assembler.
Les Saintmerriens pourront se rappeler aussi la sculpture d’Isabelle Terrisse qui était placée au même endroit jusqu’en octobre : une structure filaire qui définissait un volume, un vide. L’objet même de « Nid douillet » (voir V&D>>> : http://www.voir-et-dire.net/?Isabelle-Terrisse-Nid-douillet) .

La dormeuse

Fin décembre 2020, l’artiste a achevé une troisième structure : une grande tête, un clin d’œil à la sculpture de grès "L’écoute"(1986) de l’artiste Henri de Miller (1953-1999). Représentant une tête d’homme allongé et appuyée sur sa main, cette œuvre monumentale est placée devant l’église Saint-Eustache. Après l’avoir conçue inclinée, sur la place publique, Paul Walker Hamy a choisi de la redresser pour la déposer dans une chapelle de Saint-Merry.

D’Achille à la crèche : une démarche d’artiste

Paul Walker Hamy est un artiste qui cherche à dessiner des détails, par la sculpture, le graphisme, le découpage. Le trait linéaire est son outil d’expression esthétique. Il travaille à l’instinct, non sans préparation préalable. Il dessine le mouvement dans son œuvre, ensuite les proportions s’imposent à lui. Ses connaissances d’autodidacte sont avant tout le résultat des observations lors de ses pérégrinations. Les gestes qu’il effectue ensuite lui permettent d’aller au fond de lui-même, de rendre compte de ce qui l’a attiré. Il sort alors de leur référence première les matériaux initiaux qu’il a rassemblés de manière instinctive. Ce sont les matériaux pauvres et familiers qui l’attirent, bois ou carton. Il les travaille jusqu’à être surpris par eux. « Dans ce que je fais, je crée un lien avec quelque chose ». Il vit son esthétique comme une « alchimie, une ouverture à quelque chose de plus grand que lui », ou comme « l’expérience du prisme qui décompose la lumière. »

  • Arte Povera ? Bien sûr, mais sans référence explicite. En découvrant le beau ou le laid, il rend de la beauté à ce qui est pauvre, de la manière la plus simple possible.
  • Le figuratif ? Bien sûr ; plus encore, l’abstraction même s’il manque de mots pour entrer dans le monde de la pensée pure et de l’expression directe de l’émotion, sans intermédiaire.
  • Rodin ? Bien sûr, pour le mouvement que donnent la force et la liberté de création.

Paul Walker Hamy est un chercheur autodidacte de la forme, un ami du matériau pauvre qui le précède et se niche partout.
L’esthétique qu’il présente est au plus près de l’esprit du moment : Noël.

Jean Deuzèmes


auLa crèche réalisée par le m^me artiste (http://www.voir-et-dire.net/?Paul-Walker-Hamy-Creche-2020) est visible tous les après-midis jusqu’à la fin janvier.

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