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Hans Mendler. Comédie humaine



Peinture et sculpture. Tout est couleur et émotion, parfois avec retenue, souvent avec débordement de vie joyeuse dans des figures humaines et animales. Galerie de l’Est (Compiègne).

Hans Mendler aime la couleur, il en a besoin et en revêt ses toiles, des verres, des sculptures sur bois. Il aime partager son approche sensuelle et débordante. La galerie de l’Est, à Compiègne, l’accueille à nouveau avec générosité et permet d’apprécier ses nouvelles pistes d’intérêt, par les sujets ou les techniques. En découvrant l’ensemble, on se remémore l’américain Wilhem de Kooning qui produisait des compositions explosives issues des ambiances urbaines américaines et de leurs personnages. Mais Hans Medler est plus proche d’un autre expressionnisme, l’allemand. Né en 1950 à Stuttgart, il est de 9 ans plus jeune que Markus Lüpertz et de 10 ans l’ainé de Neo Rauch : il fait partie de cette grande peinture allemande, figurative et expressionniste. De l’abstraction, qu’il a dépassée, car, artiste exigeant et toujours en recherche, il la trouvait quelque peu paresseuse, il a gardé la liberté dans les traits et la couleur.
La comédie humaine est un bal des humains, qu’il perçoit avec bienveillance et joie.

Une invitation au dialogue avec soi-même

Le figuratif d’Hans Mendler n’a rien à voir avec le lécher du pinceau des nouvelles générations qui puisent dans la photo et le numérique l’organisation des sujets et des formes. Il y a une part de sauvage chez lui, comme dans les premiers Matisse ou les Kirchner. Ses personnages surgissent d’une abstraction gestuelle qui a marqué la fin du siècle dernier. Il ne renie pas d’où il vient, mais il développe sa propre voie. Loin des auteurs de « Untitled, sans titre », il donne un nom à ses œuvres, chacune a une histoire et une référence qui ne demande qu’à être partagée.

L’artiste est attentif à la vie de la matière, d’abord celle de ses supports qu’il va chercher jusque dans les bâches trouvées aux puces, qu’il retranscrit à la fois par ses débordements de couleurs et par ses personnages auxquels le pinceau ou la scie donnent de former un tout.
Plus encore, ses groupes humains, ses visages, ses paysages, ses fleurs sont liés à l’émerveillement qu’il sent poindre sous ses mains et qu’il veut partager avec celles et ceux qui regardent ses œuvres.

« Dans mon activité artistique, je suis totalement à l’aise avec moi-même. J’oublie le monde qui m’entoure. J’entre en dialogue avec mon matériau.
Peinture....,Bois...
C’est ainsi que naît l’œuvre, puis le thème, le motif et, finalement, une peinture, une sculpture.
Je fais une pause et je m’émerveille de ce qui est né. Bien sûr, j’évalue ensuite l’œuvre sur le plan formel.
J’apprécie ce travail passionnant. J’apprécie beaucoup cette partie de ma vie ! C’est ce qui me motive.
Comme je travaille constamment, si possible tous les jours, j’aide ma créativité en me laissant aller de manière assez "sauvage" à mon matériel et en faisant souvent appel au hasard.
Les surprises sont voulues.
 » me confiait-il dans un échange récent.

« Comédie humaine » fait suite à la précédente exposition à Compiègne « Visages humains ». Mais peut-être faudrait-il plutôt parler de « Comédie terrestre », car il n’y a pas de vision critique et sociale à la Balzac ou à la Daumier. Hans Mendler nous invite à son propre carrousel de regards sur des éléments de la vie, des hommes bons ou sympathiques, sur des éléments de nature où les couleurs se transforment en traits et dont ils renforcent le caractère précieux par de splendides cadres trouvés aux puces.

Il n’inscrit pas ses sujets dans l’histoire tragique ou énigmatique de l’Allemagne, comme le font Lüpertz ou Rauch, mais dans une tendresse et un humour particulièrement manifeste dans ses sculptures en bois : une femme à l’enfant, un visage sculpté et peint à la Baselitz, une superposition à la Brancusi qui émergent de la qualité d’un bois. Les sujets se reconnaissent immédiatement, l’artiste ne veut pas les embellir de façon glamour, et ils gardent une part de secret que l’œil ne peut s’arrêter de sonder. C’est à ce moment que l’œuvre devient vivante pour le spectateur, car elle lui parle comme Pinocchio à Geppetto, quand ce dernier achève le pantin.

La sculpture a été un point de bascule dans sa peinture des années 2000. De la matière picturale ont alors surgi des visages, non pas ceux qui était proches de l’artiste, mais des modèles ou des images venues d’ailleurs. La série de ses petits portraits n’a même plus besoin de fonds débridés pour exister. La rudesse de la toile de lin, non apprêtée, suffit. La gestuelle de l’abstraction glisse sur la joue, les cheveux, les yeux.

Une réelle émotion saisit celui qui découvre sa peinture sur le verre, une technique à haut risque, car l’artiste travaille à l’envers et ne voit le résultat, avec les effets de couleurs et de lumière, que lorsque la plaque est terminée et qu’on la retourne. Ces œuvres brillantes renouent avec la tradition des ex-voto en verre de l’époque baroque. Elles prennent ici un autre statut : celui d’un remerciement à la vie de la peinture, à l’art.

Les séries auxquelles Hans Mendler donne une âme suivent la courbe du temps et sont inscrites dans sa propre vie matérielle : le mouvement entre ses deux ateliers, l’un près de Stuttgart, où l’urbain est traversé par la ronde des hommes qu’il fait passer par ses tableaux, l’autre en Hongrie, près du Danube, dont les paysages, l’ampleur et les couleurs sont propices à la méditation, à l’ouverture à une nature sinon apaisante, du moins faisant les choses nouvelles. Le carrousel annuel de l’artiste peut nourrir celui plus quotidien des spectateurs !

Avec Hans Mendler, le subjectif et l’émotion ne se laissent pas brider par la raison sur le monde. Dans la conjoncture actuelle, très lourde, il le fait respirer un peu par l’art.

Ses peintures et ses sculptures ne sont pas figées quand elles sortent de l’atelier ou de la galerie. Par leurs formes et leurs couleurs, Hans Mendler invite le spectateur à poursuivre les œuvres comme dans les recueils de poésie où la diction toujours nouvelle donne à voir des assemblages de mots du quotidien. Ici, il s’agit de couleurs qui vont vibrer autrement en fonction de la lumière du moment, des états intérieurs de celui qui regarde, créant des résonnances inattendues.

Le spectateur peut s’approprier alors les propos de l’artiste : « Je suis totalement à l’aise avec moi-même. J’oublie le monde qui m’entoure. J’entre en dialogue avec mon matériau. »

Jean Deuzèmes

Site de la galerie de l’Est
Site de l’artiste


2 promenade Saint-Pierre des Minimes, 60200 Compiègne (France)
18 mai-23 juin 2024

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