Une peinture intemporelle, profonde, lumineuse. Le bel hommage d’une Galerie parisienne à un peintre de paysage et de ciel récemment disparu. Une Exposition/Fundraising pour achever son œuvre : un plafond d’église à Lisbonne. A voir Galerie Jaeger Bucher jusqu’au 3 mai.
Michael Biberstein (1948-2013), peintre de la lumière comme l’était Turner, Monet est encore trop méconnu en France. Pourtant sa peinture est d’une profondeur réelle, silencieuse et forte. Mais son œuvre est en bascule dans le minimalisme, hors des représentations traditionnelles de paysage.
Il est décédé alors qu’il portait un projet « qui lui tient particulièrement à cœur - la création d’un ciel pour l’église de Santa Isabel dans le quartier de Campo de Ourique, à Lisbonne. Lorsqu’il parlait de cette église, construite en 1741, hormis un plafond inachevé faute de budget, Michael Biberstein disait qu’elle était telle « une pierre précieuse gardée à l’intérieur d’une boîte noire avec un sombre couvercle gris ». Alors que nous progressons vers la phase finale du projet et afin de garantir sa bonne avancée, la maquette à l’échelle 1:8 réalisée par Michael Biberstein est présentée à la galerie, permettant ainsi au visiteur de rentrer et observer de l’intérieur l’étude peinte par l’artiste pour l’église ». (notice de la Galerie)
Cette exposition est doublement intéressante. D’une part, elle permet l’accès à une peinture extrêmement subtile, méditative et retraçant, voire idéalisant, les couleurs de ciels en grands formats horizontaux ; d’autre part, la maquette en bois brut dans laquelle on peut entrer, impressionnante et laisse le visiteur imaginer ce que pourrait être l’aboutissement du projet.
Le visiteur adhère immédiatement à la peinture de Michael Biberstein, non pas parce qu’il tombe dans le « piège » du « White cube » de la galerie (des murs blancs afin que rien ne le distraie et peu d’œuvres), mais parce que la subtilité des couleurs et l’ampleur des toiles absorbent son attention.
C’est une peinture acrylique où aucune trace de pinceau n’est visible et dont les dégradés de certaines parties surgissent par on ne sait quelle technique.
Il n’y a rien à voir, mais tout est peint pour se laisser embarquer dans la sensation particulière d’un espace infini au-delà de la toile. Lucio Fontana ouvrait ses toiles monochromes à grands coups de couteau savamment exécutés pour aller plus loin. Michael Biberstein, lui, garde intacte cette toile comme une peau immaculée et permet à chacun de faire émerger ses questions, ses émotions. Du fait de l’absence de traits, de contours, l’esprit suit les flux de lumière issus des fines couches successives d’acrylique.
L’artiste n’est pas strictement un minimaliste dans la mesure où cette question ne l’intéresse pas, c’est un peintre qui est bien présent par sa technique. Son défi est de peindre ce qui est plus grand que lui : la couleur et la lumière.
S’il menait ses recherches avec le même souci scientifique que les Delaunay (cf. les titres de ses toiles liés à la physique) et plus récemment les artistes de l’op art, mais sans donner des illusions visuelles au spectateur, c’était pour ouvrir un champ émotionnel d’un autre ordre.
Pour moi, la peinture est la science qui permet d’étudier les effets physiologiques, émotionnels et intellectuels que la couleur et la forme ont sur l’observateur (..) J’appelle volontiers mes tableaux « machines à voir » (..) si je peux réaliser des peintures qui ont un effet direct - ou dans le cas des immenses peintures - indirect sur l’observateur, permettant de le détendre ou même le placer dans un état de contemplation ou de méditation, je suis heureux. Michael Biberstein (Catalogue de l’exposition « Résonance du silence » 2009)
On imagine dans ces conditions ce que pourrait être le plafond de l’église de Lisbonne. Non pas un plafond à la Michel Ange, qui vous surplombe avec une infinité d’êtres, mais une ouverture vers un ciel enveloppant de douceur et propice à toutes les méditations, un ciel humain par la couleur évoquant la peau. Un jeu de couleurs à la James Turrel, qui a fait de la lumière immatérielle l’objet de toutes ses installations.
Dans les œuvres présentées, on remarquera un triptyque impressionnant : deux panneaux noirs et un de lumière, serrés les uns contre les autres. Une menace, un sentiment prémonitoire ?
Par ailleurs, on ne peut que rattacher un tel art aux suprématistes russes qui avaient fait de la peinture une nouvelle spiritualité ainsi qu’à Ettore Spalletti, héritier contemporain des grands maîtres de la peinture italienne qui sait utiliser les formes simples de la sculpture pour appliquer avec subtilité tout ce qu’il avait retenu du coloriste Fra Angelico.
La maquette du plafond de Michael Biberstein a été transportée depuis l’atelier de l’artiste, au Portugal, jusqu’aux ateliers de Factum Arte, à Madrid, afin de procéder à tous les tests concernant sa réalisation à échelle réelle.
Première Étape : Épreuves digitales des détails du plafond agrandi à taille réelle
Un enregistrement photographique de haute résolution du plafond peint par Michael Biberstein a été effectué sur la maquette 1:8e de l’église suivi de l’assemblage des épreuves. Pour le processus photographique, le problème principal a été d’aborder la profondeur de champ et la distorsion géométrique. Il a fallu photographier des points de vue distincts à cause de la géométrie ovale du plafond. Chaque image a dû être parfaitement perpendiculaire au senseur de l’appareil afin d’éviter les distorsions géométriques à posteriori ; chaque image devait également avoir la profondeur de champ suffisante pour que, ce qui se trouve au sein de la voûte soit apparent. Pour cela, il a fallu procéder à une technique connue de focus nommée focus stacking.
L’illumination a été également critique puisque la maquette a dû être éclairée, dans un espace de lumière contrôlé, de façon homogène au moyen de foyers de lumière continue de 5600k avec diffuseurs. Pour le vérifier, des échelles de gris distincts ont dû être placées dans quelques endroits et coins, en s’assurant que tous partageaient la même valeur lumineuse. Plus de 130 images ont du être jointes pour reconstituer en très haute résolution le plafond peint par Michael Biberstein au sein de la maquette de l’église Santa Isabel à Lisbonne.
Deuxième Étape : Épreuves des deux premiers essais peints du plafond de Michael Biberstein à taille réelle
Ces images haute résolution ont été mises à la dimension réelle du plafond de l’église et utilisées comme référence pour les deux peintures réalisées d’après les détails de la maquette. Deux zones de 25 x 25 cm considérées comme représentatives du plafond ont été sélectionnées et agrandies à dimension réelle de 2m x 2m. Deux premiers essais ont été peints en étant le plus fidèles possible au modèle original, sachant que le changement d’échelle a apporté certaines modifications dans la manière de travailler l’image : une première ébauche a été faite en simulant la texture de l’agrandissement puis, au final et afin de ne pas perdre la fraîcheur du geste dans la peinture, il a été décidé de donner une forme plus libre à l’application de la peinture en respectant totalement l’image de départ au sein du plafond peint par Michael Biberstein et en restant le plus fidèle possible avec la forme picturale de l’artiste.
Nota bene : les tests étant actuellement en cours, la colorimétrie de ces épreuves n’est pas exacte par rapport aux originaux peints. (notice de la galerie)
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Un Ciel pour Michael Biberstein - Exposition/Fundraising
21 février – 3 mai 2014
Galerie Jaeger Bucher | 5 & 7 rue de Saintonge 75003 PARIS